Invité international
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Le Hamas a désigné Yahya Sinouar, considéré comme le cerveau de l'attaque terroriste du 7 octobre 2023, pour succéder à Ismaïl Haniyeh, assassiné à Téhéran. La chercheuse Leila Seurat explique les raisons de cette nomination.
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Une semaine après l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh dans une attaque imputée à Israël, le mouvement palestinien du Hamasa désigné officiellement Yahya Sinouar, le cerveau présumé de l'attaque terroriste du 7 octobre 2023, àlatête de son bureau politique. Sa dernière apparition publique date d'il y a dix mois. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a estimé qu’il revenait aunouveau chef du Hamas de décider d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza avec Israël.Entretien avec Leila Seurat, chercheuse au Centre arabe de recherches et d’études politiques à Paris (Carep) et auteure du livre LeHamas et le monde (CNRS Éditions).
RFI: La nomination de Yahya Sinouar, qui est considéré comme celui qui a orchestré l'attaque du 7 octobre dernier, est-elle un message adressé à Israël?
Leila Seurat: Avant d'être un message fort à Israël, cette nomination répond d'abord à une logique interne au Hamas. Depuis un certain nombre d'années, bien qu'il ne fût pas président du bureau politique, mais uniquement de son instance régionale à Gaza, Yahya Sinouar était déjà celui qui détenait la réalité du pouvoir. C'est lui qui était responsable des négociations et évidemment de la lutte armée à Gaza.
Il y avait d'autres choix possibles que lui pour prendre la tête du Hamas. On aurait pu choisir les présidents des autres directions régionales : Khaled Mechal, responsable de la direction extérieure, ou Zaher Jabareen, pour la Cisjordanie. Mais ceux-là ont été écartés. Le premier, sans doute parce qu'il n'est pas en bons termes avec l'Iran. Le second, parce qu'il manque peut-être d'expérience. C'est donc tout simplement le troisième, le président de la direction de Gaza, qui a été choisi. On peut ensuite interpréter cette nomination comme un message à Israël. Mais d'abord, il me semble que c'est plutôt une logique interne.
C'est effectivement le chef du mouvement pour l'enclave palestinienne qui a été choisi. Cela pourrait-il durcir la position du Hamas dans les négociations ? Vous évoquiez les négociations…
Le message adressé à Israël qu'on peut voir dans cette nomination est celui-ci : puisque vous ne voulez rien céder et que vous assassinez celui qui pouvait participer en personne aux négociations au Qatar, autant le remplacer par quelqu'un qui décide à Gaza et qui ne participera pas physiquement à ces négociations. Il faut avoir conscience que ce choix d'un président du bureau politique qui vient de Gaza et qui n'en sortira pas, constitue une rupture dans l'histoire du mouvement.
Justement, comment négocier quand on ne sort pas de Gaza alors que les négociations ont lieu à Doha, au Qatar, ou au Caire, en Égypte ?
D'autres figures qui sont des proches d’Ismaïl Haniyeh sont déjà au Qatar. Comme Khaled Mechal ou Moussa Abou Marzouk, qui sont là pour incarner la diplomatie. Yahya Sinouar joue déjà un rôle concret dans les négociations. C'est lui qui, depuis neuf mois, valide les propositions émises par le Hamas. C'est d'ailleurs aussi pour cette raison que les réponses du mouvement peuvent parfois traîner : les possibilités de contacts entre les membres du mouvement jusqu'à Yahya Sinouar peuvent prendre du temps.
Au vu du nombre de morts dans l'enclave palestinienne – près de 40 000 à Gaza, d'après les derniers chiffres du ministère de la Santé du Hamas– et l'ampleur des destructions, Yahya Sinouar est-il encore soutenu par les Palestiniens et les Gazaouis ?
Oui, il est toujours soutenu. D'ailleurs, sa nomination révèle un consensus au sein du Hamas sur sa ligne, celle de la prééminence de la lutte armée, même s'il négocie dans le même temps.Le choix que les Israéliens laissent au Hamas, finalement, c'est la capitulation. Choisir Yahya Sinouar, c'est montrer qu'on est toujours présent à Gaza, qu'on tient militairement et qu'on ne souhaite pas capituler. C'est ce qui fait aussi consensus au sein des autres factions palestiniennes à Gaza et le reste de la population qui est dans une logique de résilience face à une politique d'extermination. Sa nomination représente en fait un enjeu de survie.
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